Léon l'Africain - Amin Maalouf
- Félix Gauffre
- 30 avr. 2015
- 2 min de lecture

La capitulation de Grenade, par Francisco Pradilla y Ortiz
" Moi, Hassan fils de Mohamed le peseur, moi, Jean-Léon de Médicis, circoncis de la main d'un barbier et baptisé de la main d'un pape, on me nomme aujourd'hui l'Africain, mais d'Afrique ne suis, ni d'Europe, ni d'Arabie. On m'appelle aussi le Grenadin, le Fassi, le Zayyati, mais je ne viens d'aucun pays, d'aucune cité, d'aucune tribu. Je suis fils de la route, ma patrie est caravane, et ma vie la plus inattendue des traversées.
Mes poignets ont connu tour à tour les caresses de la soie et les injures de la haine, l'or des princes et les chaines des esclaves. Mes doigts ont écarté mille voiles, mes lèvres ont fait rougir mille vierges, mes yeux ont vu agoniser des villes et mourir des empires.
De ma bouche tu entendras l'arabe, le turc, le castillan, le berbère, l'hébreu, la latin et l'italien vulgaire, car toutes les langues, toutes les prières m'appartiennent. Mais je n'appartiens à aucune. Je ne suis qu'à Dieu et à la terre et c'est à eux qu'un jour je reviendrai. "
J’invite quiconque qui n’a jamais lu Amin Maalouf à le faire de ce pas car c’est un formidable écrivain et conteur. Il a d'ailleurs reçu le prix Goncourt en 1993 pour Le Rochet de Tanios, conte qui nous plonge dans les montagnes du liban au début du XIXème siècle.

Autobiographie imaginaire, l'histoire de Léon l'Africain est bel et bien vraie, aussi extraordinaire qu'elle soit. Elle raconte le voyage d'Hassan al-Wazzan. Né en 1488 à Grenades, il devra s'exiler à Fez en 1492 à cause de la reconquête de l'Espagne par Ferdinand II d'Aragon et Isabelle de Castille. S'en suit alors un long voyage qui lui fera parcourir les territoires autour de la Méditerranée, du Maroc à l’Italie en passant par le Mali et l’Egypte. C’est un voyage à travers le monde mais aussi à travers le temps car Léon l’Africain était partout. Il était à Grenade pendant la Reconquista donc, mais aussi en Egypte au moment de la conquête du pays par les Ottoman, également en Afrique noire à Tombouctou à l’apogée de l’empire de l’Askia Mohamed Tourée, à Rome pendant la Renaissance ainsi que pendant l’attaque de la ville par Charles Quint.
On a l’impression de lire une version historique de l’excellent roman de Jonas Jonasson, Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire.
Amin Maalouf à travers ce premier roman nous fait donc voyager géographiquement mais aussi historiquement et culturellement. On y trouve de l’histoire, de la philosophie, de la poésie, de l’aventure. Ce livre nous ouvre l’esprit sur le monde musulman et ce n’est pas négligeable dans des temps où l’on peut facilement avoir l’esprit embrouillé avec l’actualité médiatique. Mais ce livre peut aussi éclairer un lecteur maghrébin sur le monde chrétien. C’est de là que puise sa force Amin Maalouf. Grâce à ce voyageur qui parcouru les différents territoires et cultures du bassin méditerranéen, se voyant confronté à des guerres, à l’emprisonnement, mais aussi à la reconnaissance, l'admiration, l’auteur franco-libanais finit par unifier ces différences autour d’un même personnage.
Comentários