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Le Vieux qui lisait des romans d'amour - Luis Sepúlveda

  • Félix Gauffre
  • 3 mai 2015
  • 3 min de lecture

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" L'amour, il n'en connaissait que ce que disent les chansons, particulièrement les pasillos que chantait Julito Jaramillo, dont la voix, issue des quartiers pauvres de Guayaquil s'échappait parfois d'une radio à piles et rendait les hommes mélancoliques. Ces chansons-là disaient que l'amour était comme la piqûre d'un taon que nul ne voyait mais que tous recherchaient.

- C'est comment, les livres d'amour? - Ceux-là, je crains de ne pouvoir t'en parler. Je n'en ai pas lu plus de deux. - Ça ne fait rien. C'est comment? - Et bien, ils racontent l'histoire de deux personnes qui se rencontrent, qui s'aiment et qui luttent pour vaincre les difficultés qui les empêchent d'être heureux. "


Le cadavre d'un homme blond déchiqueté, sa blessure à la jugulaire déjà rongée par les vers, a été trouvé par les Shuars sur les berges de El Idilio, petit villiage aux portes de la fôret amazonienne habité par des chercheurs d'or et des braconniers. Nul doute pour Antonio José Bolivar, cette homme a été tué par une femelle jaguar alors qu’il tentait de s’échapper avec les peaux de ses petits. Le vieux connaît les profondeurs de la forêt amazonienne grâce au noble peuple des Shuars parmi lesquels il a vécu et appris beaucoup plus de choses sur la nature que tous ces colons uniquement assoifés d'argent. Antonio José Bolivar se voit donc obligé de quitter sa cabane dans laquelle il passe son temps à lire des romans d'amour pour chasser le coupable de ce crime. Il n'en maudit pas moins cet imbécile chasseur qui a attaqué un animal protégé pendant une période interdite et l'extirpe de son passe temps favori.


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" Chaque jour qui passe va rendre la femelle plus désespérée et plus dangereuse, et elle va chercher le sang toujours plus près des villages. Saloperie de gringo ! Regardez les peaux, toutes petites, inutilisables. Chasser juste avant les pluies, et avec un fusil ! Regardez les trous. Vous vous rendez compte ? Vous avez accusé les Shuars, mais nous savons maintenant que le fautif, c'est un gringo ! [...] Laissez-les filer et demandez-leur de prévenir les chercheurs d'or qui campent sur la rive. Une femelle folle de douleur est plus dangereuse que vingt assassins réunis. "


Publié en 1992, premier roman d'un chilien totalement inconnu, ce petit livre se révèle être une véritable petite pépite. Il en devient un best-seller ainsi que les autres livres que publiera l'auteur. Sepúlveda est un conteur bien particulier. Bien qu'il soit poétique, bourré d'un charme innocent, ce récit ne décrit pas pour autant une vie idyllique. C'est la destruction de la forêt Amazonienne, la stupidité de l'homme qui ne respecte pas la nature, que décrit lyriquement et durement l'auteur. El Idilio est tout sauf un paradis. Avec magie, le chilien entremèle les contraires : les colons corrompus aux Shuars nobles, l'hostilité de la forêt boueuse à sa beauté resplandisante. La vie n'est pas parfaite et le progrès n'apporte rien aux colons qui ne parviennent à chasser comme le font les indigènes, le savoir-faire se transmet à ceux qui le méritent, il ne se découvre pas. Le soit disant progrès de la colonisation fait d'ailleurs disparaître ces hommes nobles, savants, respectueux de la nature. La seule échappatoire à ce monde pour le vieux est de rester dans sa cabane à lire des romans d’amour.


C'est un conte cruellement beau et comme Antonio José Bolivar qui essaie tant bien que mal de s'imaginer Paris, Londres, Barcelone et autres cités romantiques dans ses livres, on se laisse attirer par la poésie de Luis Sepúlveda dans ce lieu bien loin de ce que l'on connaît.

 
 
 

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Citation

Le crime de rêver je consens qu'on l'instaure

Si je rêve c'est bien de ce qu'on m'interdit

Je plaiderai coupable Il me plaît d'avoir tort

Aux yeux de la raison le rêve est un bandit

Louis Aragon, Nymphée

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